Botrytis cinerequoi ?
Il existe une ironie notable dans le fait que, bien que nos contemporains aient une affection particulière pour le sucre, ils semblent délaisser les vins moelleux et liquoreux, des produits que la plupart des producteurs peinent à écouler.
I.Comprendre la Concentration en Sucre : De la Fermentation à la Pourriture Noble
Ces vins doivent leur caractère à la concentration en sucre du raisin. Lors de la fermentation alcoolique, les sucres sont transformés en alcool. Dans la plupart des cas tous les sucres sont transformés. Pour les vins liquoreux la fermentation s’arrête très progressivement avant leur transformation totale.
Il existe quatre formes naturelles de concentration :
– Le passerillage, qui consiste à produire la concentration par la chaleur du soleil,
– La concentration par le froid au cryo-extraction qui consiste très schématiquement à éliminer l’eau transformée sous forme de cristaux,
– Les vendanges tardives, une mention qui désigne un vin issu de raisins dont la récolte est retardée, volontairement ou non. Cela a pour conséquence
d’obtenir généralement des raisins en surmaturité.
– La pourriture noble est le nom du résultat de l’action d’un champignon microscopique, le Botrytis cinerea, sur les baies de certains raisins blancs qui transforme peu à peu l’eau contenue dans les baies en glycérine, produisant ainsi les grands vin blanc liquoreux.
II.Les Quatre Voies Naturelles de Concentration dans les Vins Liquoreux
Ce champignon se développe sur les grappes en fin de maturité ; il produit un phénomène recherché dans la région de Sauternes, la « pourriture noble ».
Le sémillon est très sensible à la pourriture noble qui caractérise, si l’année le permet, les merveilleux Sauternes.
Le Botrytis cinerea perce la peau du raisin et, sous l’effet de l’ensoleillement, l’eau du fruit s’évapore, conduisant à une concentration en sucre.
III.Sauternes et la Pourriture Noble : Les Conditions uniques de Développement et de Récolte
Cependant, atteindre ce résultat souhaité de manière miraculeuse n’est pas aussi simple, car cela nécessite la convergence de nombreux facteurs :
– Le développement du champignon est essentiel, et la clé réside dans le Ciron, un petit affluent de la Garonne. Ses eaux, maintenues fraîches en raison de leur
trajet ombragé depuis les Landes de Gascogne, parcourent seulement 97 km jusqu’à leur confluence avec la Garonne, entre Barsac et Preignac. En septembre, lorsque ces eaux froides rejoignent la Garonne, chauffée tout l’été, la différence de température engendre une brume matinale qui remonte le Ciron et enveloppe les vignobles environnants : Barsac, Preignac, Bommes, Fargue et Sauternes.
– Cette humidité matinale doit ensuite être dissipée par les vents secs et chauds venant de l’Atlantique, situé à seulement 70 km à vol d’oiseau.
Ensuite, le soleil réchauffe les baies de raisin, favorisant l’évaporation de l’eau due à la porosité induite par le botrytis. Ainsi se créent les conditions idéales,
nécessitant une chaleur suffisante en journée, l’absence de pluie et une humidité matinale propice à notre champignon…
Vous l’avez compris, le développement du champignon ne se commande pas et la production de ces vins liquoreux reste très aléatoire.
– Lorsque les grains sont confits, la vendange doit être effectuée avec précaution, suivant un véritable art qui demande une formation spécifique et une attention particulière (et donc un coût). Les vendanges s’effectuent en plusieurs passages successifs, appelés « tries ». À chaque passage dans les rangs, seules les grappes ou parties de grappes confites sont récoltées.
Il en résulte un nectar doux et onctueux (le taux de sucre résiduel est d’au moins 46g par litre voire 120g pour un Sauternes) aux arômes de fruits confits,
de miel et d’épices qui offre une expérience sensorielle riche et unique, ce qui en fait un choix prisé pour accompagner des desserts, des fromages ou même
en dégustation en solo.
A noter : le Botrytis cinerea peut causer des dégâts quand son développement est complet et rapide, dans les millésimes aux automnes humides et froids. On
parle alors de « pourriture grise ». Les grandes années dans le Sauternais sont souvent catastrophiques pour les autres régions produisant des vins secs…
Si vous souhaitez en savoir plus sur les vins issus de pourriture noble, venez découvrir les cours de Dégust’Emoi.
Rédactrice : Isabelle Johanet