La terre que l’on touche n’est pas le sol. C’est autre chose que le matériau qui constitue le sol, une dimension supplémentaire. Dans le langage du viticulteur, le sol est un terrain géologique (on parle de sol argilo-calcaire, de sol volcanique…). En réalité, le sol est un ensemble complexe vivant et organisé, évoluant dans le temps et dans l’espace et qui forme une mince pellicule entre interfaces, la lithosphère et l’atmosphère. Il résulte de l’altération, de remaniements et réorganisations (transferts d’énergie, de matière biologique, chimique ou physique comme les éboulements, les travaux des vers de terre et bactéries sous terre, les travaux par l’Homme).
Le socle : la roche mère
Sous ces couches, intéressons-nous à la roche-mère, là où s’insèrent les racines de la vigne à plusieurs mètres de profondeur. Les roches peuvent être classées selon plusieurs critères : leur composition chimique, minéralogique, la taille des grains (touchez un morceau de granit granuleux et comparez au côté poudré du calcaire), l’origine des constituants.
Si l’on s’intéresse à l’origine des constituants, nous pouvons distinguer les grandes familles de roches souvent mentionnées sur les fiches techniques des vignerons, devenues un langage universel :
Les Roches magmatiques, des roches de profondeur
Il s’agit d’une roche de profondeur, issue du magma dans un manteau de 50 à 150 km de profondeur. Différents processus d’arrivée ont permis à cette roche de remonter à la surface (la roche volcanique ou plutonique). Celle-ci présente une forte teneur en silice, fer, aluminium et magnésium. Ce goût est souvent perceptible en bouche par un ressenti important des minéraux tout comme les eaux minérales volcaniques au goût distinctif par la présence de fer (que l’on retrouve aussi dans le sang !).
- La roche magmatique volcanique comme le basalte est issue d’une remontée rapide du magma, par refroidissement aérien ou aquatique, et ne présente pas de cristaux.
- La roche magmatique plutonique comme le granite est issue d’un refroidissement et d’une solidification du magma en profondeur extrêmement lent (plusieurs millions années), développant une cristallisation complète avec une texture grenue. Ces roches cristallisées se retrouvent dans les Vosges, les Ardennes, le Massif Armoricain… Elles n’ont une bonne rétention d’eau, et la vigne recherche des failles pour développer ses racines.
Les Roches sédimentaires, des roches de surface
Formées à la surface de la terre, elles sont issues d’une altération physique (désagrégation) et chimique (transformation, dissolution, transport et dépôt) sous l’effet du climat (T°C et précipitations) sur des roches de profondeur qui ont été portées à la surface ou déjà formées en surface. = roches sédimentaires détritiques (Exemple d’altération : granite >
arène granitique > sable de rivière > grès ou calcaire). On les retrouve en Champagne, dans la Marne, datant de l’ère secondaire. Ces éléments sédimentaires retiennent bien l’eau (le calcaire est friable, l’argile est plus compacte, tandis que les marnes (argile + calcaire) présentent les deux avantages).
La Roche métamorphique, issues de transformations
Comme son nom l’indique, elle est issue d’une métamorphose de la roche sous l’effet d’une pression et /ou de changement de températures. Par exemple, on peut retrouver l’ardoise, le schiste, le gneiss, le quartzite, le marbre.
Quels liens entre le sol et le vin ?
Aujourd’hui, la science ne peut pas démontrer de lien direct entre la composition de la roche mère et celle du raisin ni du vin par l’échange des nutriments au travers des racines de la vigne. Néanmoins, la plante Vitis se nourrit des nutriments dont elle a besoin pour former ses fruits, les grappes de raisin. En se concentrant sur le toucher du vin en bouche par la pratique de la dégustation géo-sensorielle, des marqueurs semblent donner des indications sur le terroir.
Par exemple, la distinction de différentes formes d’acidités et la perception d’acide citrique en bouche, un acide organique (minéral), révèle une texture fluide, riche en minéraux. Cela induit qu’il y a eu des précipitations et une présence de sels minéraux (anions minéraux, cations métalliques) que l’on retrouve sur des sols sédimentaires (calcaire, marne, argilo-calcaire) où les racines se sont enfoncées facilement avec une bonne rétention d’eau et accès aux nutriments. Sur sols argileux, la salivation se révèle plus épaisse.
A l’opposé, l’acide glutamique, plus visqueux, reflèterait un sol cristallin. La salivation est plus consistante, plus visqueuse. Les racines de la vigne passent par les crevasses du granit par exemple (sol cristallin), riche en acides aminés (proline, lysine, tyrosine, cistéines…), famille des protéines. Par comparaison avec le monde alimentaire, on retrouve ces protéines gouteuses et consistante dans le Comté !
Scientifiquement, il n’est pas encore démontré de tendance sur le lieu de salivation sur la langue par type de sol mais une différence reste notable sur la consistance de celle-ci, comme le partageait lors d’une conférence Romain Iltis, Meilleur Ouvrier de France et Meilleur Sommelier de France 2012.
Voici quelques exemples imagés de sensations en fonction des types de sols.
Cristallin (granit, schistes, gneiss…) :
Verticalité ressentie – provoque salinité en fin de bouche
Sensation centrale en langue de l’acidité
Salinité : Grès granuleux : Granit tranchant : Schiste finesse en bouche : Volcan éruptif/fumée :
: Sédiments (calcaire, marnes, argile) : Largeur/horizontalité de bouche, puissance, gras, finale par des amers, sensation similaire à de la farine qui s’étale en largeur sur la bouche (les côtés)
Une observation de dégustation est faite sur sols de marne (argile + calcaire) qui se finit sur des notes hydrocarburées.
De plus, la Marne apporte une sensation sphérique en bouche (forte épaisseur) :
Les Argiles restent collantes, épaisses, sur la largeur :
Si vous souhaitez en savoir plus sur la méthode et le CERTIFICAT DE DÉGUSTATION de Dégust’Emoi.
Rédactrice : Isabelle Johanet